Question (Non binaire / 2008)

J'ai pris conscience de beaucoup de choses récemment.

J'ai pris conscience de combien tout ce que j'ai vécu m'affecte toujours, et du fait que ce n'était pas normal.
Ce que je veux dire par là, c'est que je le savais déjà, mais pas complètement. Je ne voulais pas le savoir. Je ne sais pas si les personnes qui liront ceci comprendront ce que je veux dire, et tout cela peut sembler décousu, mais me voici, à trois heures et quart du matin, à essayer d'expliquer ce que je ressens.

J'ai commencé cette liste des choses que je fais toujours, nommée "Comment tout ce que j'ai vécu m'affecte encore".
J'ai déjà dix points. "Mouvements soudains et bruits forts". "Parents qui grondent leur enfant/se disputent avec leur partenaire, ou les disputes en général". "Être mouillé quand je porte des habits". "Qu'on touche mon cou, ma nuque et toute la zone entre la poitrine et le menton". "Toujours tout expliquer et trop s'excuser".
Maintenant que je suis pleinement conscient de tout ce qui m'est arrivé, j'arrive à faire des liens. À trouver des réponses, la pièce manquante. Et en même temps, je me sens vide.
Et je suis en colère. Je suis en colère contre tout le monde ou moi-même. Il n'y a jamais eu de justice. Il n'y a jamais eu d'excuses, de qui que ce soit. Ma mère me dit que je ne devrais pas rester dans le passé et que c'est juste me "plaire dans mon rôle de victime que de toutes façons personne ne me comprend, c'est tellement horrible, et il ne m'est arrivé que du mal de toutes façons au lieu d'essayer de voir le bien et de, pour une fois, ne pas gâcher toute la journée en étant d'une humeur pas possible, encore."
Je voudrais qu'elle comprenne. Mais je n'ai pas l'impression que qui que ce soit puisse comprendre. Je me sens horriblement seul.
J'ai l'impression que mon corps, chaque matin, se lève, fait les choses, va à l'école, fait tout ça, mais ce n'est pas moi. Je ressens juste de la douleur. J'ai vraiment l'impression que c'est soit je déteste tout le monde, soit je me déteste moi, soit c'est les deux.
Pourquoi personne n'a rien fait ?
Ma mère me dit, "J'ai fait tout mon possible. Je ne pouvais rien faire d'autre, et tu as pensé que moi, ça me faisait plaisir d'organiser des rdv avec tes profs, le directeur et ta psy ?"
Tu as pensé que moi, ça me faisait plaisir d'aller à l'école en ayant peur de ce qui m'attend dès que je franchis le seuil de cette maison pour aller dehors ?
Mon frère, plus jeune que moi de deux ans et demi, m'a sorti il y a quelques semaines "Et toi, des baffes, tu t'en prenais. Des douches froides aussi, tu t'en es pris plein, et tu criais trop fort. Tu devais pas être bien obéissante haha". Ce commentaire m'a fait revenir beaucoup de choses. J'étais vraiment mal après ça, et quand j'ai revu mon frère et ma mère en même temps, j'ai demandé à mon frère d'arrêter de blaguer à propos de ça.
Ma mère me dit, "Tu as pensé à lui ? Ce n'était pas facile non plus, pour lui, devoir écouter ça.." Mon frère n'a rien répondu ni à moi ni à ma mère. Le fait qu'elle me dise des choses comme ça me fait juste mal, et après, j'aurais envie qu'elle ait subi ce que j'aie subi et qu'elle vive ce que je vis pour peut-être espérer qu'elle comprenne.
Mais je ne dois pas souhaiter du malheur aux gens, et je ne souhaite à personne de devoir endurer ça.
Je ne sais pas du tout où ce texte va, donc je vais m'arrêter ici et envoyer.

Réponse

Nous sommes désolés de voir à quel point tu souffres encore. Malgré tout, nous avons l’impression que tu as fait un grand pas en avant.

Tu nous dis deux choses très importantes, tout au début quand tu nous confies d’avoir pris conscience à quel point la souffrance est toujours présente et, à la fin, en soutenant que tu ne souhaites à personne de devoir endurer ce que tu as vécu. C’est peut-être une bonne occasion de faire de ta souffrance ton allié et de réfléchir comment la laisser derrière sans, pour autant, l’oublier.

L’étape de la vie que tu traverses ne te facilite pas la tâche. L’adolescence est une période propre aux grands bouleversements, aux émotions qui nous submergent, aux inconforts de toute sorte même si on ne se sent pas trop différent des autres. Il n’est pas surprenant que tu aies l’impression que ton corps et ton esprit font deux et qu’on a l’impression de se détester soi-même. Surtout avec les souvenirs négatifs qui t’habitent depuis un bon moment.

Tu es de toute évidence quelqu’un qui aime réfléchir, observer et analyser. Ce sont des qualités précieuses et tu peux, à notre avis, les utiliser à ton avantage. Nous te suggérons de reprendre tes dix points et de réfléchir aux solutions à apporter pour te sentir mieux. Il y a des choses que tu peux améliorer sans l’aide de personne. Il y a d’autres qui peuvent être réglées avec l’aide des professionnels. Surtout celles qui concernent les rapports avec ta famille.

À notre avis, tu peux commencer par explorer les solutions en lien avec les membres de ta famille. Tu peux leur proposer d’aller chercher ensemble de l’aide à l’extérieur. Cela vous permettra de partager votre souffrance avec quelqu’un qui est neutre et qui n’est pas « parasité » par le trop-plein d’émotions. Ta maman peut prendre le contact pour un rendez-vous en famille auprès d’une association qui existe dans ton canton et qui s’appelle Office Familial Fribourg. Elle peut téléphoner au 026 322 10 14 ou cliquer sur le lien https://www.officefamilial.ch/fr.

Nous pensons sincèrement que cela peut t’aider à se sentir moins seul et à apprécier davantage ce que et qui tu es dans ta différence et, éventuellement, te permettre de commencer à tracer ton chemin dans la direction que tu souhaites.

Nous espérons que notre réponse te sera utile. Nous restons à ton écoute.

Dernière modification le 1 novembre 2022

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Avec le soutien financier de la Confédération, en vertu de l'ordonnance sur des mesures de protection des enfants et des jeunes et sur le renforcement des droits de l'enfant.

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