Question (Non binaire / 2002)

Bonsoir,

Il y a trois jours, j'ai eu une sorte de mental breakdown.
Il était 22h00, tout le monde dormait déjà.
J'étais allongée, essayant de faire le vide, et d'un coup, j'ai pleuré.
Les larmes se sont mises à couler. Au début, c'était sans émotions. J'étais surpris "Tiens, que se passe-t-il?"
Et puis, c'est allé très vite dans ma tête: des souvenirs, des sensations, des choses très négatives ou juste des choses ont défilé. Et là, je me suis sentie morte.

Je n'ai pas trouvé le sommeil jusqu'à 2h30, et je me suis réveillé très peu de temps après à cause des cours.

Les jours suivants, j'essayais de me dire que c'était une phase, un rien. Je ne l'ai dit à personne à par mon père. Il m'a parlé, mais ma relation avec lui est compliquée, alors ça ne m'a pas aidé. Juste pour arrêter de pleurer, mais je ne me suis pas senti mieux.

Les gens, les jours, les cours, le règlement... Tout passait, je me voyais vieillir de cent ans en une seconde, n'ayant rien réussi.
Je me voyais, moche, dégoûtant, sans valeur, sans talent.
Comme un fardeau pour mes parents et une maladie qu'on souhaite ne plus revoir pour les autres.

Et j'en ai eu marre. Marre d'être l'ainée attentionnée et serviable à la maison, la fille ponctuelle à l'église, l'élève modèle et sérieux.
Marre de voir ma mère se fâcher pour un oui ou pour un non, ma sœur avec son début d'adolescence, j'ai juste envie de la giffler, mon beau père il y a des jours où je veux être très loin de lui.

J'aime tous ces gens. Je sais que le problème vient de moi, et que jamais je ne voudrais leur faire du mal.
Mais je veux une pause.
Et là, je culpabilise. Parce que je sais que je peux fuire un jour, un mois ou un an, quand je reviendrai, je me sentirai pareil, voire pire, puisque je verrai du reproche dans le regard de ma mère pour être parti et ne pas l'avoir aidée à la maison.

Marre de faire semblant d'aimer faire la vaisselle et d'aimer les soirées films avec eux, quand c'est toujours la même personne qui choisit le film, et elle fait la gueule quand on veut dormir. C'est mon beau-père.

Marre de faire semblant d'apprécier l'aide de la coordinatrice de ma classe, quand elle nous parle comme ça. Marre d'être nul au badminton alors que tout le monde se tape des 20/20.
De faire semblant d'être hétéro parce que mon oncle m'a tapé quand je lui ai dit que je pourrais avoir une copine, et non un copain.
Marre de faire semblant de ne pas entendre les gars qui sifflent et qui draguent sans respect. même à l'église.
Et en fait, tout le monde fait semblant.
Mes parents disent ne vouloir que notre bonheur et notre succès dans l'avenir.
Ils n'ont pas vu les choses de notre perspective:
Quand on regarde de mon côté, ils veulent une famille et un foyer parfait. Et bien sur, "Mais non, on ne veut pas que tout soit parfait."
-Tout le monde vient à table quand le repas est prêt,
-La vaisselle se fait par tour
-Pas de gros mots (je précise que je les entends jurer comme des racailles quand ils sont "seuls")
-maison rangée, et 100 autres règles

Bien sur, je veux aussi que la maison soit rangée et tout le reste.
Mais pas faire semblant d'aimer les moments en famille.
Me mordre la langue quand je dis ce que je pense parce que ça blesse toujours quelqu'un.
Il faut toujours que je pense au bien être des autres et bien sure "Mais non! Pense à toi!"

Les gens font semblant d'être polis, d'autres comme ma mère font semblant d'être heureux, d'autres d'être intélligents.

Je suis horrible quand je lis ce que j'ai écrit.
Et donc pour me punir, je veux me couper. Comme avant.
Mais les gens diront bien sur "C'est juste pour attirer l'attention."
Comme ils le disaient avant.

Je suis codépendant, et je ne veux pas me soigner.
Je ne veux pas parler à un psy, parce que j'ai l'impression qu'ils ont juste réponse à tout.
Et chaque fois, ils répètent "je comprends".
Et les autres, quand je leur en parle, c'est "Je suis passé par là aussi, c'est une phase de l'adolescence, mais sois gentil avec les autres, surtout, sois très gentil avec ta sœur, en ce moment, elle devient ado..."
Elle est gatée, j'aime pas ses amies parce qu'elles sont arrogantes et insolentes envers leurs parents.

Et je veux partir. Parce que je ne veux plus blesser les gens en donnant mon avis, et je ne veux plus contribuer à leur bonheur et foyer parfait et me sentir mal quand je veux prendre une pause.
Alors je veux m'en aller.

Réponse

Le texte que tu nous a écrit est très beau. C'est un peu bizare de te dire cela mais c'est une chose qui nous paraît très importante à souligner.

Ce texte est très beau par ce qu'il parle de toi, tel/telle que tu es. Il parle de la tempête des sentiments qui existent dans ton coeur, il parle du sens de la vie que tu ne trouves pas dans le monde presque parfait que ta famille met en scène. Il parle des stéréotypes qui agissent dans la société. Il parle de la violence des comportements des êtres humains les uns envers les autres, et de baucoup d'autres chose encore.

Surtout il parle de la difficulté d'être soi-même, de mettre des limites aux autres et d'un ENORME besoin de liberté et d'intimité.

Tu veux t'en aller, mais de où ? et pour aller vers quoi ? vers qui ?

Partir peut parfois être une solution dans certaines situations, seulement si partir permet de se trouver ou de se retrouver.

Il s'agirait dans un premier temps de savoir ce que tu veux, qui tu veux être, comment tu veux vivre, etc. C'est une manière d'aller vers soi-même et cela on peut le faire où que l'on soit.

Tu pourrais  aménager pour toi, des moments où tu pourrais te retrouver seule ou avec les personnes avec qui tu as envie d'être, pour faire ce que tu as envie de faire. Il s'agirait de négocier des moments de liberté parmi toutes les contraintes que tu as nommées.

Tu as 17 ans, tu devrais pouvoir négocier ceci avec ta mère, lui parler de tes besoins.

Où que l'on aille, où que l'on soit, l'être humain doit composer avec  ses désirs et ses obligations dues à la vie en société.

Commence à faire en sorte de miminuer tes obligations afin de pouvoir augmenter la possibilité de réaliser tes propres désirs.

Cela va t'occuper et te donner autre chose à faire que te couper !

Ici il ne s'agit pas de te couper mais au contraire de te lier à toi-même. Les larmes que tu as versées ont coulé comme du sang. C'est le sang de ta sensibilité, de ta formidable lucidité sur tes sentiments, tes sensations, tes émotions. C'est une chance à saisir.

Ecoute-toi, écris, dessine, chante, occupe-toi de toi d'abord et prends soin de toi.

Nous sommes là pour te lire et te soutenir

A bientôt sur ciao

 

Dernière modification le 17 novembre 2019

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