La jurisprudence désigne l'ensemble des décisions rendues par les tribunaux. Ces décisions sont importantes car:

  • Elles montrent comment les lois sont appliquées par les tribunaux
  • Elles constituent des "précédents", c'est-à-dire qu'une décision d'un tribunal peut ensuite être utilisée comme aide à la décision par un autre tribunal: les tribunaux créent en quelque sorte du droit.

Entre 1995 et 2020, les autorités compétentes ont reçu 987 plaintes (cas) concernant l'art. 261bis du Code pénal. Sur tous ces cas, 622 ont abouti à des condamnations.

Le groupe des auteur·e·s (état: 2020): le groupe d'extrême droite (néonazis et skinheads) représente environ 12 % des auteur·e·s d’actes racistes entre 1995 et 2020. La majorité des auteur·e·s (53%) sont des particuliers. 5 % des auteur·e·s de délit travaillent dans le secteur de la politique.

Le groupe des victimes (état: 2020): on trouve le plus grand nombre de jugements condamnatoires lors de procès visant les actions à caractère antisémite (25%). Autres groupes de personnes souvent concernés: les étranger·ère·s (21 %), les personnes de couleur (19 %), les musulman·e·s  (5%) et les demandeur·se·s d'asile (3 %).

Moyens d'infraction (état: 2020): La vue d'ensemble des moyens d'infraction révèle clairement que les agressions à fond raciste consistent essentiellement en des insultes verbales (26 %) ou écrites (25 %), suivies de la communication de propos racistes par voie électronique (13 %). La diffusion de matériel raciste constitue 5% des moyens d’infraction. Seulement 5% des agressions se manifestent par des gestes, 4 % concernent des voies de fait et 2% un refus de prestation.

Il a fallu attendre 1998 pour qu'une condamnation soit prononcée pour un refus de fournir un service destiné à tout public. Cela s'explique notamment par la difficulté qu'il y a à prouver que le service a été refusé pour raison raciste. Depuis 1999, on observe aussi des agressions racistes par le biais des médias électroniques. Globalement, il est difficile d'établir une classification des jugements, puisque chaque cas est différent.

Tous les actes à caractère raciste ne sont pas forcément jugés selon l'article 261bis du Code penal parce que le critère «public» des actes n'est pas rempli, comme cela peut être le cas pour les altercations qui ont lieu sans témoins.

Exemples d'actes de racisme :

  • En 2016 à Berne, sur une plateforme de location immobilière en ligne, un bailleur a écrit qu’il ne voulait "pas de musulmans" comme locataires. "Les musulmans chantent plusieurs fois par jour chez eux, comme à la mosquée; je le sais parce qu’en ai déjà fait l’expérience".
  • À Berne, le propriétaire d’un café refuse de servir des client·e·s arabes. Il explique avoir connu par le passé de multiples problèmes (bagarres, vente de drogue) et que cette nouvelle règle doit ramener le calme dans son établissement. Il a déclaré aux médias qu’il continuerait de refuser en bloc tous les Arabes dans son établissement, bien qu’il s’agisse d’une infraction à la loi.
  • En 2016, après le début d’incendie criminel dans un train en gare de Salez (SGG), qui a causé la mort d’une femme et blessé gravement plusieurs personnes, des utilisateurs de réseaux sociaux et des courriers de lecteurs ont tenu des propos xénophobes, avant qu’il soit révélé que l’attaquant était Suisse de naissance, du canton de Schwyz. En outre, une fausse photo du coupable circulait sur Internet, montrant un homme barbu à peau sombre.

Des manques à combler

Après les incidents provoqués par des extrémistes de droite en l'an 2000, comme l'agression au fusil d'assaut à Berne le 10 juillet, chahut du Conseiller fédéral Kaspar Villiger lors du discours du 1er août, etc., le Conseil fédéral a reconnu que l'article 261bis du Code pénal présente quelques manques. Il a créé la même année un groupe de travail chargé de coordonner et de mettre en œuvre des mesures de lutte contre l'extrémisme.

Ce groupe de travail a recommandé la création de deux nouvelles dispositions du Code pénal suisse:

  • Poursuivre pénalement les symboles à caractère raciste, mais aussi l'utilisation publique de paroles, de gestes et de formules de salutations à caractère raciste (nouvel article 261bis du Code pénal)
  • Punir l'appartenance à des groupements racistes (nouvel article 261bis Code pénal). Cela se traduirait par des condamnations à l'amende ou à l'emprisonnement pour les fondateurs d'associations visant à mettre sur pied des activités illégales selon l'article 261bis.

Le port de symboles et d'emblèmes d'extrême droite de même que les gestes et les formes de salutations d'extrême droite ne sont pour le moment pas punissables par la norme pénale.

Les propositions faites par le groupe de travail doivent compléter le dispositif suisse de lutte contre le racisme et le hooliganisme (actuellement en préparation). Il faut pourtant garder en tête que les droits fondamentaux protègent la liberté d'expression, d'opinion, de réunion et d'association. À discuter ce qui est mieux sur le plan juridique et éthique. On se trouve donc en présence de deux droits qui peuvent paraître contradictoires ou entrer en conflit.

Avec le soutien de

Avec le soutien financier de la Confédération, en vertu de l'ordonnance sur des mesures de protection des enfants et des jeunes et sur le renforcement des droits de l'enfant.

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