Question (Fille / 1998)

Bonsoir Ciao,

J'écris ici, car je suis troublée. J'ai eu une discussion qui m'a aidée à mieux me comprendre.

En bref, je me suis construit un monde idéal pour échapper aux atrocités que je perçois dans le monde réel. Ces atrocités peuvent aller de faits très personnels - comme des comportements que certaines personnes pourraient avoir à mon égard - à des choses plus générales comme les inégalités entre les très riches et les très pauvres.

Il m'arrive fréquemment de développer des attentes par rapport à ce que j'ai imaginé, de me dire que le possible est probable, de ne plus distinguer la frontière entre rêve et réalité. Or, je finis souvent par me heurter à la réalité et ça fait très mal. Je vois beaucoup de choses horribles et assez peu de beauté finalement. Je me rattache à ces petits éclats.

Un autre élément que j'ai sorti de cet échange est une compréhension de la raison pour laquelle je suis attirée par les récits d'auteurs suicidaires depuis très jeune. Je me suis rendu compte que je me sentais proche de ces personnes, car elles étaient désespérées, qu'elles ne voyaient pas d'issue à ce qui les préoccupaient. J'ai aussi ce sentiment et les termes que j'utilise quand j'y pense sont : "c'est rationnel de mettre fin à ses jours dans la dystopie dans laquelle nous vivons". Mais, fort heureusement, j'agis très peu rationnellement.

Il y a une force en moi qui veut croire au changement. Je suis fascinée par les individus, par les moyens que nous avons développés pour nous exprimer, par la nature. Mais quand je suis seule avec mes pensées avant de dormir, ces choses-là disparaissent.

Je vous écris, car je pense constamment à ces idées maintenant : je dors très mal, je m'alimente moins que d'habitude, je parle peu alors que je suis plutôt joviale. Je suis entièrement occupée par ces pensées.

J'ai peur d'arriver au point où le désespoir serait trop grand. J'ai des sentiments de dégoût et de déception qui planent constamment. Déception de ne pas faire quelque chose pour améliorer ce que je critique (par peur de m'affirmer et de devoir confronter les opposant-e-s), de ne pas être aussi optimiste que ce que je pensais, de ne pas être assez forte, somme toute.

Comment vivre avec ce que je trouve inacceptable, ignoble, comment suivre des règles qui vont à l'encontre de mes valeurs ?

Réponse

Vous semblez submergée par beaucoup de pensées et préoccupations qui vous oppressent. Cela impacte la qualité de votre sommeil, votre appétit et votre humeur.

Ce que nous voyons à travers votre message, c'est que vous avez de très bonnes capacités à réfléchir à ce que vous traversez, et à comprendre vos émotions. Il s'agit d'une ressource précieuse que vous pouvez utiliser pour réfléchir à ce dont vous avez besoin pour aller mieux.

Comme vous l'avez identifié, lorsqu'une personne souffre, il arrive qu'elle se réfugie dans son imaginaire pour ne pas se confronter à la réalité qui lui fait mal. Cela soulage pendant un temps, mais lorsque la réalité se heurte à cet imaginaire, ce soulagement s'arrête et la souffrance peut être d'autant plus forte.

Vous ne pouvez pas changer le monde autour de vous, qui est fait entre autres de ces inégalités et des comportements des autres qui vous dérangent mais vous pouvez vous engagez pour une ou des causes et mettre votre énergie pour les faire évoluer. Ce que vous pouvez surtout changer, c'est votre manière de les vivre, en apprenant à gérer les émotions que cela provoque en vous. Vous dites ressentir en vous une force qui veut croire au changement, et cela montre que vous avez les ressources pour faire ce travail sur vous.

Pour cela, nous vous conseillons de vous faire aider par un·e professionnel·le qui vous convienne. Ce que vous décrivez témoigne d'une souffrance importante et il est important que vous ne restiez pas seule avec ces pensées. Un·e psychologue ou psychiatre peut vous aider à gérer ces pensées pour moins en souffrir.

Nous restons à votre écoute.

Bien à vous,

Dernière modification le 6 août 2019

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Avec le soutien financier de la Confédération, en vertu de l'ordonnance sur des mesures de protection des enfants et des jeunes et sur le renforcement des droits de l'enfant.

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