Question (Non binaire / 2008)

Hello !

Ca faisait longtemps.

J'ai parlé à un ami de quelque chose qui se passait dans ma vie, et cet ami m'a fait prendre conscience de ce qui se passait vraiment.

C'est à propos du fils de la nouvelle copine de mon père.
Pour le contexte, je ne sais pas si vous relisez les messages précédents ou si vous vous souvenez de moi, mais mes parents ont divorcé quand j'avais 4 ans, et je suis allé chez mon père un weekend sur deux depuis. Il a commencé à montrer plus d'affection à mon petit frère, puis à ne plus m'en donner et est rapidement devenu violent. Sa nouvelle petite amie a emménagé avec lui quand j'avais six ans et son fils avec. Elle me détestait aussi, et me traitait comme mon père. J'ai été rabaissé, frappé et insulté.

Dans ce m*rdier, il y avait mon "demi frère". Quatre ans plus agé, il a toujours été gentil avec moi. Il me cachait souvent dans sa chambre quand mon père devenait dangereux, et me regardait jouer avec ses playmobils le temps que mon père se calme.
Quand j'avais dans les 6-7 ans, du coup, il a commencé à me dire certaines choses plutôt... Euh, comment dire.
Il m'a demandé si j'étais curieuse de savoir ce qu'il y a sous ses vêtements en me disant qu'il voulait voir sous les miens. Je lui ai dit que je n'étais pas vraiment intéressé par ce genre de choses.
Et ensuite, il m'a demandé si il pouvait voir ce qu'il y a sous mes vêtements, et si je voulais voir sous les siens. Je lui ai dit que je n'étais pas vraiment intéressé par ce genre de choses.

Je ne sais plus vraiment comment ça s'est passé, mais je sais qu'à un moment, il a commencé à me toucher. Je n'aimais pas vraiment ça, mais je ne voulais pas qu'il me déteste. Alors, je n'ai rien dit. Puis il a commencé à mettre ma main dans son pantalon, et je n'ai toujours rien dit. Il disait qu'il faut garder le secret, "parce que les parents, parce que les parents."

Je n'ai rien dit, ni non, ni aux parents. Ensuite, il m'a demandé, quand j'avais onze ans, si je pouvais sucer sa ... . Je lui ai dit que je ne suis pas vraiment intéressé par ce genre de choses, et il m'a demandé si je le ferais si il mettait un préservatif goût fraise. J'ai eu peur qu'il me déteste.
Je peux toujours sentir la matière du plastic du préservatif et la présence dans ma bouche, quand j'y pense trop. Ca me donne envie de vomir, mais je ne voulais pas qu'il me déteste.

Quand j'avais douze ans, il m'a demandé si je voulais qu'il vienne à l'intérieur de moi. J'ai dit que je ne suis pas vraiment intéressé par ce genre de choses, et je commençais à réaliser que le corps des hommes ne m'attire pas. Il m'a demandé, "seulement les doigts ?" J'ai eu peur, et je ne voulais pas qu'il me déteste.
Il l'a fait plusieurs fois. Je n'ai jamais dit non.

Il l'a refait, et m'a léché les seins, a sucé mes tétons. Au fond, je pense que j'aime l'attention qu'il me donne, mais je déteste ce qu'il me fait, sans jamais pouvoir lui dire.
La dernière fois, c'était en Novembre. Je ne l'ai pas revu, depuis. Et je n'ai toujours pas réussi à dire non.

Je ne peux pas le dire à mon père, ni à ma mère, ni à ma belle mère.
Je ne veux pas l'envoyer où que ce soit, ni lui faire du mal.

Et surtout

Je n'arrive toujours pas à accepter qu'il n'est pas juste "gentil".
Je le sais, mais je ne veux pas le croire ni l'accepter.

Réponse

Tu témoignes avec lucidité de la situation que tu as vécue avec ton demi-frère ces 9 dernières années. Cela n’a pas dû être facile de l’écrire, alors bravo pour ton courage, tu as bien fait de ne pas rester seule avec ce lourd fardeau.

Tu nous parles de tous ces actes sexuellement abusifs que ton demi-frère a eu envers toi. C’est normal que tu ne savais pas comment réagir : il avait 4 ans de plus que toi et tu vivais un contexte de familial violent et négligent. C’est donc tout à fait normal que tu te sois raccrochée à ce grand demi-frère qui te donnait « de l’attention » et qui se montrait « gentil ». Nous comprenons aussi ta peur « qu’il te déteste ». Sache que tu n’es pas la seule : pour tous les enfants victimes d’abus sexuel, il est difficile de dire non, et la plupart n’y arrivent pas tout de suite.

Sache aussi que rien de ce qui t’est arrivé n’est de faute : même si tu ne t’es jamais opposée physiquement ou verbalement. Aucune personne n’a le droit de faire subir des paroles et des gestes sexuels à un enfant, et puisque ton demi-frère avait 4 ans de plus que toi, c’est lui qui est responsable de tous ces épisodes, indépendamment de ta réaction ou « non-réaction ».

L’ami à qui tu t’es confiée t’a fait « prendre conscience de ce qui se passait vraiment ». C’est super que tu aies dans ton entourage cet ami et que tu as eu le courage de lui en parler ! En effet, ce qu’a fait ton demi-frère ce sont des abus sexuels : des actes interdits par la loi.

Tu as donc été victime d’infractions à caractère sexuel répétées (de tes 6 ans à tes 15 ans), et c’est courageux d’en parler aujourd’hui, même si peut-être, tu as encore du mal à le réaliser et à l’accepter (ce qui est normal aussi – c’est la situation que tu as vécue qui ne l’était pas !).
Le fait de prendre conscience que tu as été victime ne signifie pas que ton demi-frère est une « mauvaise personne », et il est possible que tu aies encore de l’affection pour lui. Mais ses actes sont inacceptables : ce sont des infractions punies par la loi et des agressions de ta sphère intime, de ton corps et de ta personne tout entière.

Aujourd’hui et il est fondamental que cette situation s’arrête et que tu trouves rapidement de l’aide, aussi pour faire face aux séquelles que tu portes de tout ça (par exemple le fait que tu ressens encore la consistance de ce préservatif, ton envie de vomir, etc.).

Nous te conseillons de te rendre dans le Centre pour l’aide aux victimes d’infractions (LAVI) de ton canton : nous te joignons l’adresse. C’est un centre spécialisé et tu y seras accueillie et écoutée sans jugement, on t’informera de tes droits et des aides possibles (par exemple, tu recevras des bons pour aller voir un psychologue si tu le souhaites).
C’est gratuit et confidentiel, et tu peux t’y rendre avec une personne de confiance, par exemple l’ami à qui tu t’es confié.

Nous comprenons ta volonté de « ne pas faire du mal » à ton demi-frère. En réalité, ton demi-frère a aussi un très grand besoin d’aide. S’il a fait ce qu’il a fait, c’est qu’il porte aussi un fardeau, qui n’excuse en rien ses agressions sexuelles, mais qui indique qu’il a besoin d’être suivi et de comprendre ce qu’il a fait.
En aucun cas, si tu parles de ce que tu as subi et même si tu décides de déposer plainte, tu ne lui feras « du mal ». Au contraire, tu aideras tout le monde à sortir du silence qui a trop longtemps régné dans ta famille.
Tu pourras discuter de tout ça, à ton rythme et selon ce que tu te sens de faire ou pas, avec les professionnel.le.s du Centre LAVI.

Nous t’encourageons vraiment à continuer ta démarche et à demander de l’aide. Si c’est difficile de trouver les mots, tu peux montrer le texte que tu nous as écrit et qui exprime si bien la situation. Tu es sur le bon chemin.

Nous restons à ton écoute, n’hésite pas à nous redonner de tes nouvelles,


Centre LAVI (SEJ) - CIAO
Dernière modification le 2 février 2023

Avec le soutien de

Avec le soutien financier de la Confédération, en vertu de l'ordonnance sur des mesures de protection des enfants et des jeunes et sur le renforcement des droits de l'enfant.

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