Question (2006)

Bonjour,

J’espère que vous entamez l’automne dans de bonnes vibes et de la joie.

Pour ma part.. c’est assez mitigé.

En grande partie à cause d’une chose qui me ronge de l’intérieur, même si je sais que ce n’est pas de ma faute.

En tant que jeune fille de 16 ans, je peux d’ores et déjà dire que le dossier d’horreurs que j’ai vécues et vues a sûrement plus de pages que ne contiendra jamais celui de mes amies.

Et en partie à cause de mon père.

Comme pour pas mal de personnes, la relation père-fille s’est dégradée depuis mon entrée en adolescence.

Entre les embrouilles, les cris, les pleurs et même parfois les coups, je me suis perdue. J’ai perdu mon identité.

J’étais du genre à être la fille à papa qui courrait se cacher derrière lui dès que les obstacles de la vie devenaient trop dur à supporter sur mes frêles épaules d’enfant.

Mais ce soutien a prématurément cessé.

Dès l’âge de 8 ans, pour de malheureuses causes de perte de domicile fixe, nous avons dû loger dans une chambre d’hôtel minable et tres mal fréquenté.

Mes parents travaillaient d’arrache-pied, nuit et jour pour nous sortir de cet enfer. Et pendant qu’eux se tuaient a l'emploi, j’ai du assurer la garde de mon petit frère.

Le nourrir, le changer, le doucher, le protéger des ivrognes qui s’amusaient à toquer à la porte sachant pertinemment que nous étions seuls.

L’un d’entre-eux a failli enfoncer la porte et j’en garde de très mauvais souvenirs.

J’ai toujours tant bien que mal essayé d’éloigner mon petit frère de ce genre de schéma. J’ai essayé de rendre sa vie agréable et malgré tout, joyeuse.

Et j’y ai vendu mon enfance en échange.

Un cadeau tellement précieux qui est d’une durée si courte mais si précieuse.

Ensuite, lorsque les choses se sont arrangées… et que j’ai commencé à comprendre que certaines des charges que j’avais lorsque j’étais enfant n’étaient pas correctes, j’ai fait part de mon point de vue à mes parents.

Ma mère a été compréhensive, mon père, lui, non.

Il a changé petit à petit.

Passant de mon sauveur.. à mon bourreau.

Tout a commencé par des remarques désagréables sur mon physique, puis mon caractère et ensuite mon passé.

J’ai tenu plus d’une fois à communiquer avec lui, mais il n’a rien voulu entendre.

Cet homme est un bien triste personnage… il est raciste, rejeté lui-même par la société lorsqu’il était jeune, il pense qu’attaquer les autres minorités est une bonne chose. Il est violent verbalement et physiquement. Son père, mon grand-père est mort très jeune, il a dû travailler tôt pour subvenir aux besoins de sa famille et malgré tous ses efforts, ma grand-mère était violente avec lui et lui a mené la vie tellement dure qu’il s’est exilé en suisse tout en continuant à lui envoyer de l’argent.

Il a été trahi, abandonné et on lui a menti plus de fois qu’il n’a été aimé dans sa vie.

Je suis l’ainée, la copie physique conforme de ma grand-mère et ait comme caractéristique le fait de ne pas accepter qu’on me manque de respect ouvertement.

Lui est arrogant, violent, égocentrique, manipulateur et blessé.

Je pense que vous pouvez imaginer nos échanges explosifs.

Alors… voilà, après plein de prises de tête, de cris, d’éloignements, de réconciliations et tout un tas de choses que je juge toxique, je ne l’aime plus comme avant, et lui non plus ne m’aime plus. Il me l’a dit.

Mais maintenant le problème… c’est que je n’arrive plus à compter sur aucun homme. Même mon frère, maintenant grandi, ne m’inspire pas confiance.

Ma mère a été sujette de problèmes avec mon père, mais n’a jamais eu le courage de le quitter.

Et pour ne pas qu’elle entre en conflit avec lui, je m’interpose toujours. Je suis toujours d’un soutien pour elle et mon frère lorsque mon abruti de père ne veut rien d’autre que voir des larmes couler de leurs yeux.

J’ai déjà pris des gifles, lorsque j’étais petite, et étonnamment, je suis la seule contre qui il s’autorise à montrer le monstre qu’il est.

Lorsque je lui ai demandé pourquoi, dans l’un de ces jours où il daignait me regarder, il m’a répondu: quand j’ai vu que tu m’as pardonné les premières fois, j’ai eu moins de peine pour les suivantes.

Horrible, hein ?

Depuis, je ne lui adresse la parole que quand la vie m’y oblige, pour défendre ma mère et mon frère ou les choses administratives.

Je suis toujours mineure.

Ma confiance en les hommes est détruite, ma confiance en moi aussi et surtout mon amour.

Je suis devenue « un monstre sans âme » comme il aime m’appeler.

Mais suis-je vraiment « un monstre sans âme » alors que je n’arrive pas à le haïr, à le détester ? Suis-je vraiment un monstre alors que tout ce que j’ai fait de ma vie a été dans le but de protéger les gens que j’aime de ses traumas non guéris ? Suis-je sans âme alors que malgré tout j’ai fait mon maximum pour essayer de voir du bon en lui ?

Je lui en ai voulu, mais les rares moments où il est doux, ou il sourit, ou il n’est plus son passé m’ont empêchée d’être irrespectueuse. Parce que c’est un homme avec du vécu. Et qui suis-je moi pour le dénigrer sur son passé ?

En bref…

J’ai perdu mon père.

Mon premier amour.

Mon premier chagrin.

Ma plus grande déception.

Mais au final que serait une vérité sans un mensonge ?

Inexistante.

Sur ce, agréable fin de journée..

Une jeune femme ayant foi en les âmes blessées.

Réponse

Ta maturité et ta capacité à prendre conscience de tes ressentis nous impressionne. Tu as été confrontée, très jeune, à des épreuves très difficiles qui peuvent marquer profondément une personne.

Tu as dû prendre sur toi de grandes responsabilités : t’occuper ainsi de ton petit frère, si jeune, n’était pas ton rôle. Tu as été forcée de le prendre en raison de la situation dans laquelle ta famille se trouvait et nous comprenons tout à fait quand tu dis avoir « vendu ton enfance en échange ».

Tu sembles extrêmement lucide sur ce qu’il t’arrive : en effet, le comportement de ton père n’est pas normal. Nous te félicitons d’en parler, cela demande beaucoup de courage d’oser le faire pour s’en sortir. D’après ce que tu nous dis, tu sembles avoir été/être victime de violence psychologique. Nous t’encourageons vivement à te tourner vers la LAVI (centre d’aide aux victimes de violences physiques, sexuelles ou psychiques).

Comme tu es encore mineure, tu peux aussi t’adresser à la permanence juridique du Juris Conseil Junior, qui met des avocat·e·s à disposition des jeunes de moins de 20 ans pour répondre à leurs questions. Toutes les adresses sont annexées à notre réponse.

Nous comprenons que tous ces événements aient entravé ta confiance en les hommes ainsi que ta confiance en toi. Heureusement, la confiance est quelque chose qui se construit : cela ne veut donc pas dire que tu n’auras pas confiance toute ta vie. Nous joignons à notre réponse des articles qui pourront peut-être te donner des pistes pour entamer ce travail de reconstruction.

Et pour répondre à ta dernière question : non, tu n’es pas un « monstre sans âme ». Bien au contraire : malgré toutes ces épreuves extrêmement difficiles, tu continues de faire preuve de générosité, de bonté. Tu arrives même à chercher des pistes qui expliqueraient le comportement de ton père. As-tu déjà pensé à en parler à un·e psychologue ? Tu sembles beaucoup prendre sur toi, mais saches que tu n’es pas seule et que c’est important d’être aidé·e, épaulé·e, lorsque l’on vit de telles épreuves.

Nous t’avions proposé de parler à un·e infirmier·ère scolaire, médiateur·trice ou encore un·e éducateur·trice social·e de ton école ; ces personnes sont aussi des ressources auxquelles tu peux t’adresser.

Nous t’encourageons vraiment à continuer cette démarche courageuse d’en parler autour de toi, comme tu l’as fait sur ciao.

Nous espérons avoir pu te donner quelques pistes de réflexion et restons à ton écoute.

Bien à toi,


Centre LAVI - CIAO
Juris Conseil Junior - CIAO
L'estime de soi se construit - Site d'information, d'aide et d'échanges pour les 11-20 ans - CIAO
Estime de soi: des conseils - Site d'information, d'aide et d'échanges pour les 11-20 ans - CIAO
Dernière modification le 1 septembre 2022

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