Question (Fille / 2002)

Bonjour,

il y a peu de temps j’ai eu un rapport sexuel avec mon plan cul habituel et ça ne s’est pas passé comme prévu. D’habitude ça se passe bien et ça même si j’ai des douleurs lors de la pénétration (il est à l’écoute et tout) mais cette fois-ci c’était différent: lorsqu’il me pénétrait j’ai ressenti comme un vide et j’ai commencé à faire une crise de dissociation (ce qui n’est pas anormal chez moi mais cela ne m’était jamais arrivé lors d’un rapport sexuel) et je sais pas si à ce moment là j’étais vraiment consentante ou pas, je n’ai pourtant rien dit et fait comme s’il ne s’était rien passé. Pourtant depuis (peut être que c’est juste une simple coïncidence) mais j’ai beaucoup de peine à dormir et je n’ai plus du tout envie de le revoir (comme si j’étais dégoûtée) et je me pose donc la question suivante: est ce que j’ai été violée ? Honnêtement je n’en sais rien et sûrement que j’ai peur de la vérité.

Merci d’avance pour votre compréhension et vos réponses :)
(p.s désolée pour le pavé)

Réponse

Nous tenons tout d’abord à te communiquer tout notre soutien. La question que tu poses ici montre que tu as vécu quelque chose de difficile, de douloureux, de perturbant et que cela a des répercussions émotionnelles négatives et affecte ton sommeil.

Il n’est pas si simple et très délicat de répondre à la question que tu poses : « est-ce que j’ai été violée ? »                                                                                                                                         C’est pourquoi nous tenons à te dire d'emblée que nous te croyons. Tu as vécu quelque chose de violent, ceci même s'il n’est pas évident de répondre simplement à ta question.

Nous espérons donc que cette réponse pourra t’aider un peu à y voir plus clair ainsi qu’à trouver l’aide qui pourra t’être utile.

Le viol a une réalité concrète/objective, une réalité subjective/émotionnelle et une réalité légale.

La réalité concrète concerne ce qui s’est vraiment passé, les faits. La réalité subjective concerne le vécu des personnes. Une même situation peut être émotionnellement vécue différemment. La réalité légale fait référence à la manière dont la loi définit ce qu’est un viol.

Dans la situation que tu décris (réalité concrète/objective), il y a eu une relation sexuelle avec pénétration. Quand une relation sexuelle est clairement et mutuellement consentie tout va bien. Quand elle ne l’est pas, ce n’est plus une relation sexuelle, c’est un viol. Entre ces pôles, il y a quantité de situations que l’on dit généralement faire partie de la zone grise du consentement. Cette « zone grise » comporte toutes les situations qui ne sont ni clairement consenties, ni clairement non consenties. La situation que tu as vécue semble correspondre à cette définition.

Au niveau de ton vécu émotionnel, tu décris « l’inconfort » de cette situation (ce mot n’est peut-être pas le plus adéquat, nous en convenons) et ses répercussions dans le temps. La situation aurait pu être similaire à vos autres rdvs sexuels, mais visiblement, elle ne l’est pas, ton vécu est très différent.
Ta réalité émotionnelle, ton vécu subjectif, sont vrais. Ce que tu as ressenti, ce que tu ressens aujourd’hui, est réel. Sur ce point, il ne fait aucun doute que tu peux être aidée et accompagnée. Ceci est vrai même si aux niveaux objectif et légal, la qualification de viol est moins évidente.

La question de la crise de dissociation est importante. D’après ce que nous comprenons, tu as déjà vécu ce type d’état (dissociation) dans d’autres situations. Il nous est donc difficile d’en déduire sans aucun doute que cet état a été provoqué par une relation non consentie. Néanmoins, c'est quelque chose à envisager sérieusement puisque de nombreuses personnes victimes de violences sexuelles ou de viol décrivent cet état. On parle aussi d’état de sidération, c’est-à-dire un état de choc qui empêche la victime de manifester clairement son non-consentement.

Au niveau légal, la loi définit le viol comme un acte sexuel non consenti sous la contrainte ou la menace sur une personne de sexe féminin.
Cette définition pose problème pour plusieurs raisons. L’une d’elle est justement en lien avec l’état de dissociation/de sidération. Il est en effet impossible d’exprimer son non-consentement en état dans ce type d’état de choc.

Si nous avons bien compris, le jeune homme ne semble pas avoir exercé sur toi une forme claire/explicite de contrainte ou de menace. Légalement, il n’est donc pas évident de définir que c’est, ou non, un viol. Seule une procédure judiciaire pourrait le juger comme tel ou pas.

Il est probable qu’aux yeux du jeune homme, votre relation ait été semblable à vos relations précédentes. Rien ne semble indiqué qu’il ait souhaité t’imposer une relation sexuelle. Toutefois, c'est peut-être bien ce qui s’est passé. Ce qui est sûr, c’est qu’à la vue d'une absence de réaction/d’interaction/de manifestation de plaisir, un∙e partenaire doit demander si tout est ok, il/elle doit s’assurer du consentement de son/sa partenaire. 

Comme tu le constates, il nous est impossible de répondre clairement à ta question. Ce qui est sûr, c'est que tu sembles avoir besoin d’écoute et de soutien.

Parler de ce que tu as vécu avec une personne de confiance pourra t’aider à mieux comprendre ce qui s’est passé. Cela pourra aussi t’aider à retrouver de la confiance. Nous t’invitons donc à prendre rapidement un rdv avec un∙e professionnel∙le.
Tu peux le faire dans un centre de santé sexuelle et de planning familial, avec un.e psychologue, auprès d’une association qui soutient les victimes de violences sexuelles. Tu trouveras en annexes différentes adresses de ton canton.

Nous t’invitons aussi à écouter et respecter ce que tu ressens aujourd’hui (le dégoût) concernant ce jeune homme et donc à ne pas renouveler de rdv sexuel avec lui.

En fonction des discussions que tu auras avec le/la professionnel∙le qui te recevra, tu pourras envisager, ou non, une suite comme celle de porter plainte.
Pour de nombreuses victimes de violences sexuelles, cette étape de réparation légale est importante et essentielle. Pour d’autres, les démarches officielles et les questions auxquelles elles doivent répondre, sont tellement difficiles à vivre qu’elles en deviennent une nouvelle violence.

Pour terminer, nous attirons aussi ton attention sur l’origine des crises de dissociation dont tu parles. En effet, elles peuvent être le signe/symptôme de quelque chose (par exemple d’un événement traumatique passé), elles ne sont pas là pour rien. Si tu n’as pas encore entrepris de démarches pour en connaitre la cause et chercher des solutions pour qu’elles ne surviennent plus, nous t’encourageons à le faire. Nous te suggérons donc de prendre un rdv avec un∙e psychologue.

De notre côté, nous restons à ton écoute, reviens sur ciao quand tu le souhaites/quand tu as besoin.
Bien à toi !


PROFA Consultation de santé sexuelle-planning familial - CIAO
Centre LAVI - CIAO
Association ESPAS - CIAO
Dernière modification le 18 août 2022

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Avec le soutien financier de la Confédération, en vertu de l'ordonnance sur des mesures de protection des enfants et des jeunes et sur le renforcement des droits de l'enfant.

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