Chapitre 1 :

Je marchais le long du mur en bĂ©ton, dans ma tĂȘte, tout Ă©tait silencieux malgrĂ© le tambourinement des gouttes de pluie tombant autour de moi, mon parapluie me protĂ©geant. Je m’engageais dans une rue plus petite, entourĂ©e d’un gris morne, et triste. Cependant, je sentais en moi un certain sentiment de paix, je n’avais aucune pensĂ©e, je ne rĂ©flĂ©chissais pas, mon corps seul se mouvait, connaissant dĂ©jĂ  le chemin par cƓur. J’avais l’impression de voir Ă  travers tout ce qui m’entourait, tout Ă©tait immobile, sans vie, tranquille.

Soudain, des bruits de discutions me sortirent de mon Ă©tat de transe et je levais la tĂȘte, les rouages de mon cerveau se remettant en marche. Au bout de la rue, sous un petit prĂ©au, un groupe d’amis s’amusait en parlant fort, certains se tapant dans le dos, de bonne humeur. Un garçon, les cheveux noir et cours, portant une veste en cuir dĂ©chirĂ©e partageait ses cigarettes. Une jeune fille, sĂ»rement un peu plus ĂągĂ©e que moi, le visage entiĂšrement maquillĂ©, buvait une bouteille de biĂšre. Il est vrai que ces gens viennent d’un quartier pauvre, mais j’enviais leur amitiĂ©, leur solidaritĂ©. Je secouais la tĂȘte. Pourquoi est ce que je pensais Ă  ça ? En arrivant prĂšs d’eux, je fermais les yeux et me concentrais sur mes autres sens. Les bruits de leurs paroles et de leurs rires, l’odeur des cigarettes et de l’alcool, une ambiance lĂ©gĂšre flottant dans l’air
C’est alors que je sentit un contact contre mon Ă©paule, violent, inattendu. J’ouvris mes yeux d’un coup, juste avant de lĂącher mon parapluie pour me rattraper au petit muret Ă  ma droite. J’eu le temps de voir une fille de mon Ăąge se retourner, les cheveux rose clairs partant du crĂąne et finissant en dĂ©gradĂ© de noirs, attachĂ©s en un chignon dĂ©fait.

-dĂ©solĂ©e ! Me lança-telle sans mĂȘme me regarder.

Je me redressais sous la pluie, pantelante, la bouche ouverte pour rĂ©pondre, mais c’était trop tard, elle avait disparue. TroublĂ©e, et un peu perdue, je ramassais mon parapluie et m’éloignais comme si de rien Ă©tait, le groupe ne remarquant mĂȘme pas ma prĂ©sence. Cinq minutes plus tard, j’étais dans mon propre quartier, me sentant plus sure et marchant d’un bon pas.

***

-Yuna ! S’exclama mon pĂšre lorsque j’entrais par la porte d’entrĂ©e. Tu es trempĂ©e ! Il s’est passĂ© quelque chose ?

Inquiet, il s’approcha soudainement et me pris doucement mon manteau.

-C’est rien, quelqu’un m’a bousculĂ©e sans le faire exprĂšs, c’est tout. Lui dis-je en allant m’asseoir sur une chaise en face de lui.

-Comment s’est passĂ© ta journĂ©e ? Tient, mange un peu.

-Oh pas grand chose, j’ai eu anglais avec M. Wilson mais Ă  pars ça s’était bien.

-Heureusement, j’ai pus finir plus tît ce soir. J’ai plus de temps a passer avec toi. C’est dommage qu’il pleuve, mais j’ai fait des daifukus ! M’annonça t-il, un sourire triste sur le visage.

Je lui rĂ©pondis par un sourire similaire, nos yeux se communiquant. Ce soir, c’était l’anniversaire de maman, mais on en parlais jamais directement. Cependant, on passait toute la soirĂ©e Ă  penser Ă  elle, a lui rendre hommage, en quelque sorte. Et comme Ă  chaque fois, papa avait cuisinĂ© des daifukus, le dessert japonais prĂ©fĂ©rĂ© de maman. Elle Ă©tait japonaise alors j’ai hĂ©ritĂ©e de ses yeux bridĂ© et de sa peau clair. Papa me dit que je lui ressemble beaucoup, c’est alors les seules fois qu’il la mentionne Ă  voix haute.

AprĂšs que l’on se soit racontĂ© nos journĂ©e et finit notre repas, nous nous installons dans le salon en face du petit autel une petite photo de maman posĂ©e en haut, entourĂ©e de fleurs blanches. Elle est jeune, avec les mĂȘmes longs cheveux noirs et soyeux que moi, ses yeux pĂ©tillants de malice. Son sourire seul Ă©clairait toute la piĂšce, et mon cƓur. Assise Ă  genoux la tĂȘte baissĂ©e, je repensais Ă  elle, comme d’un souvenir nostalgique. Je senti alors une larme couler, que j’essuyais vite avec le pan de ma manche. Me la rappeler provoquait en moi une grande tristesse et en mĂȘme temps une colĂšre sourde. Pourquoi ? Pourquoi devait elle mourir ? Cependant, je ne savais pas vers qui, et oĂč diriger ma colĂšre, je la sentais monter petit Ă  petit, sans que je ne puissent rien contrĂŽler. Je soufflais pour me calmer et tentais de cacher mes Ă©motions au plus profond de moi.

Autrefois, maman Ă©tait trĂšs occupĂ©e avec son travail d’architecte. Elle Ă©tait passionnĂ©e par cet « art » disait elle. Une simple ouverture pouvait tout changer, l’orientation du bĂątiment, le placement des diffĂ©rentes piĂšces. Elle adorait particuliĂšrement les cathĂ©drales, ces constructions immenses d’une beautĂ© affligeante, grandioses. Il dĂ©gageait d’elles comme une ambiance de royautĂ©, un lieu oĂč seul leur prĂ©sence te clouait au sol.

Tout a commencĂ© il y a 8 ans alors que j’étais encore en primaire. Au dĂ©but, elle se sentait de plus en plus fatiguĂ©e, elle toussait plus, avait de la fiĂšvre, mais elle Ă©tait trĂšs douĂ©e pour cacher son Ă©tat. Jusqu’à ce que papa dĂ©couvre qu’elle crachait du sang. Je me rappelle de tout cela comme une spectatrice, impuissante. Puis quelque temps aprĂšs, maman a dĂ» ĂȘtre hospitalisĂ©e avec un cancer en phase terminale. Cette information avait Ă©tĂ© ressentie comme une lame me transperçant le cƓur. La suite, je ne m’en souviens pas beaucoup, mais je revois le regard de maman, perdant petit Ă  petit espoir. Ce visage, je m’en souviendrais toute ma vie. Ses yeux avaient perdus leur lumiĂšre, son sourire n’apparaissait plus, son corps Ă©tait frĂȘle, sans force. Elle avait dĂ©jĂ  l’air d’un cadavre. Au bout d’un moment, je n’en pouvais plus, et j’ai refusĂ© de continuer Ă  aller la voir, trop traumatisĂ©e par la vue de sa sente dĂ©croissante.

Ça c’était passĂ© si vite. Arriva alors, ce qui n’aurais jamais dĂ» arriver. J’avais 10 ans quand sa vie s’éteignĂźt soudainement, quand son esprit a fini par s’enfuir loin, loin d’ici pour ne jamais revenir, quand elle nous a laissĂ©e tous seules. Depuis qu’elle est partie, je ressens une Ă©norme culpabilitĂ© pesant sur mes Ă©paules. Je n’arrivais pas Ă  ne pas me sentir coupable en pensant Ă  ses derniers moments, quand je n’ai pas pu ĂȘtre avec elle pour l’aider Ă  se laisser partir, pour essayer de construire de bons souvenirs. Je maudit ma faiblesse tous les jours.

AprĂšs ça, tout n’était que brouillard, mes souvenirs sont flous, en moi, seul le nĂ©ant existait car je m’était renfermĂ©e sur moi-mĂȘme, cachĂ©e trĂšs, trĂšs profondĂ©ment au fond de mon coeur, lĂ  oĂč personne ne me trouverait. Je ne comptais plus les jours, les semaines, les annĂ©es, tout autour de moi coulait sans jamais m’atteindre.
Ça a Ă©tĂ© trĂšs difficile pour mon pĂšre, qui est tombĂ©e dans une longue dĂ©pression, dont il peine encore Ă  sortir aujourd’hui. Ça a Ă©tĂ© pour moi une vraie Ă©preuve de le voir sombrer sans pouvoir l’aider. Mais il a rĂ©ussit Ă  se relever, Ă  ne pas se perdre, et a maintenant repris son travail de styliste, transfĂ©rant ses Ă©motions dans les tenues qu’il fabrique.

Cependant, nous avons aussi eu de l’aide de l’extĂ©rieur, des amis de maman mais surtout de ma sobo, ma grand mĂšre, qui est venue vivre ici aprĂšs ma naissance. C’est surtout elle qui s’est occupĂ©e de moi alors que papa n’allait pas bien. Je lui en suis infiniment reconnaissante et c’est seulement avec elle que je me sens moi-mĂȘme.

***

Quand je lĂšve les yeux sur papa, il est dĂ©jĂ  en train de me regarder, comme si j’étais une petite chose fragile, que j’avais besoins de soutient pour continuer Ă  tenir alors que je sais que je suis forte, je peux m’en sortir seule sans que mon pĂšre ai besoin de s’occuper de moi. Un regard que je n’ai jamais apprĂ©ciĂ©, mais quoi que je lui dise, je suis Ă  ces yeux comme une pierre prĂ©cieuse qui doit ĂȘtre protĂ©gĂ©e Ă  tout prix. Et parfois, ce regard est comme un poids que je porte sur mes Ă©paules, et ça devient difficile de le supporter.

La mort de maman a affectĂ© beaucoup de monde et nous avons Ă©tĂ© profondĂ©ment marquĂ©s par cette Ă©preuve difficile. Cela dit, nous pouvons vivre avec et essayer de s’en remettre, petit Ă  petit.

Mais la vie continue Ă  une vitesse effrĂ©nĂ©e sans qu’elle ne nous laisse respirer une seule seconde.

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Réponses

  • Par Notos (Fille / 2010 / France) le 21 novembre 2025 Ă  19:42

    Voici le premier chapitre. J’espĂšre que vous allez l’aimer !!! Est ce que ça vous plairait que je vous poste un chapitre par semaine ? Je suis toujours en train d’écrire alors je ne peux pas tout envoyer d’un coup. Dire moi ce que vous pensez !! Peut ĂȘtre que vous allez dĂ©jĂ  deviner de quoi tout cela va parler, mais je doute que ça se devine pour l’instant 😅

    Dites moi bien si vous voulez continuer Ă  lire mes chapitres !!
    Bonne lecture !!!😉
    ❀

  • Par galaxygame (Garçon / 2011 / France) le 22 novembre 2025 Ă  07:50

    Tu écris super bien bravo, hùte de lire le prochain chapitre

  • Par Plante123 (Fille / 2012 / France) le 22 novembre 2025 Ă  08:03

    Tu écris super bien, sincÚrement !!! BRAVO !!!
    J'ai vraiment hĂąte de lire la suite.
    Tu tiens vraiment un truc.

  • Par Cambrihobbit (Garçon / 2014 / Suisse, Autres cantons suisses) le 22 novembre 2025 Ă  08:45

    Magnifique !!! J’ai hñte du prochain !

  • Par Notos (Fille / 2010 / France) le 22 novembre 2025 Ă  10:54

    Merci beaucoup pour vos commentaires !! Ça me fait vraiment plaisir ! C’est d’accord, je continue de vous partager mes chapitres !! Le chapitre 2 sera prĂȘt pour la semaine prochaine. !! 😊😉
    ❀

  • Par NĂ©ali (Fille / 2013 / Suisse, GenĂšve) le 23 novembre 2025 Ă  08:19

    Ca se rĂ©pĂšte peut ĂȘtre un peu pour toi, mais c'est vraiment magique, tu arrives Ă  nous emporter dans ton histoire d'une façon formidable, j'ai vraiment hĂąte de lire la suite !!!

  • Par Notos (Fille / 2010 / France) le 23 novembre 2025 Ă  10:50
    En réponse à Néali
    Ca se rĂ©pĂšte peut ĂȘtre un peu pour toi, mais c'est vraiment magique, tu arrives Ă  nous emporter dans ton histoire d'une façon formidable, j'ai vraiment hĂąte de lire la suite !!!

    Merci encore ! â˜șïžĂ‡a me fait vraiment plaisir ! Je suis sure que vous allez bien aimer le chapitre deux ! 😁
    N’hĂ©sitez surtout pas Ă  me donner des conseils, et j’adorerais mĂȘme que vous me proposiez des idĂ©es que je pourrais peut ĂȘtre rajouter dans mon histoire !!! Comme ça vous pourriez vous mĂȘme y participer un peu !! 👌

  • Par Nodogy_girl (Fille / 2010 / France) le 23 novembre 2025 Ă  18:15

    Bravo Ă  toi ! Ton Ă©criture a bien quelque chose de poĂ©tique, ça rend super bien ! La maniĂšre dont tu enchaines des Ă©vĂ©nements n'en ai que plus belle, on a l'impression de se laisser submerger par l'histoire et ça se lit facilement, c'est remarquable, mĂȘme des adultes ont du mal avec ça 😄
    à mon avis, tu peux faire mieux, surtout le dĂ©but, tu pourrais le rendre plus immersif ( souvent, c'est mieux de commencer par quelque chose d'inattendu, de surprenant , une action qui attire, mais dĂ©crire est aussi envisageable ;) et aussi vers la fin, je suis sĂ»re que tu peux rĂ©ussir Ă  crĂ©er un twist, mĂȘme petit, pour inciter Ă  lire/ attendre avec impatience la suite.
    Je me disais que ce petit retour constructif pourrait bien t'intĂ©resser, j'espĂšre que ça t'aidera ! 😉
    J'attendrais la suite !

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